Pages d’écriture

 
Écrivain.e, si c’est un titre, une fonction, une responsabilité, une dignité que l’on met en avant, c’est le plus souvent par abus de langage​ : il n’aura pas fallu attendre Pierre Bourdieu, Robert Darnton, Alain Viala, Nathalie Heinich, ou mieux Bernard Lahire et La condition littéraire pour l’apprendre, on écrit après… après avoir rempli les obligations, nécessités, implications d’un premier emploi, d’un premier métier, donc lorsqu’on en a encore le temps, la force, la disponibilité, la liberté en somme.
 

Ainsi s’explique le sacrifice de textes pour lesquels on n’a pas eu la subjectivité de se battre, qu’on a rédigés puis oubliés, déposés à des éditeurs puis récupérés sans poursuivre inlassablement cette guerre visant à se faire accepter. 

Ainsi s’explique aussi qu’il faille parfois se retrancher, échapper à la compétition, au mouvement, aux attentes extérieures, goûter à ce luxe, n’être attendu nulle part, n’être attendu par personne et jouir d’une concentration exceptionnelle. 

La joie des résidences, cette existence suspendue, s’entend comme une impulsion à résister, en dépit des réquisitions trop nombreuses, en dépit du désenchantement que provoque le marché de la littérature.