Extraits non publiés

Une couleur…Pour un extrait

« Si vous ne faisiez rien vous en retireriez pourtant une satisfaction immédiate, vous n’auriez plus à lire de lettres de refus. Il ne vous arriverait plus de ces enveloppes la raison sociale bien en évidence dans le coin en haut à gauche, les éditeurs méchants et malins ne vous poursuivraient plus de l’arbitraire de leur jugement, vous ne seriez ni dedans ni dehors, avant ou après programme, décadré pour toujours, forever. Et vous vous délecteriez en sirotant votre sirop de ce que les jours s’enchaînent dans un néant bienheureux sans lettres de refus sans toutes les lettres de refus de tous les éditeurs du monde auxquels vous n’auriez jamais pensé, vous siroteriez votre salive et transpireriez votre transpiration sous le soleil de la paresse. Mais votre disposition masochiste vous conduit à envoyer des manuscrits encore et toujours, forever des manuscrits à des éditeurs qui ne les lisent pas, des manuscrits à des maisons d’édition qui croulent sous les manuscrits qui chaque jour ferment leur boîte aux manuscrits qui abondent s’écoulent paquets entiers des vies des cancers des chômeurs des aïeux incurables et des histoires sans joie des auteurs sans joie que sont les écrivains. Chaque jour les maisons d’édition ferment leur porte aux écrivains demandent aux écrivains de se taire d’arrêter d’être des écrivains car chaque jour les malheureux éditeurs sont obligés de renvoyer des manuscrits à leurs écrivains refusés envoyer des lettres de refus à leurs écrivains refusés, leurs car sans eux ils ne seraient pas éditeurs, car chaque jour les éditeurs se convainquent qu’ils sont des éditeurs car ils peuvent se livrer à cette guerre sans merci chasser tous les écrivains importuns qui tapent à leur porte frappent à leur devanture et réclament et exigent d’être publiés quand il y a un programme une programmation et que déjà le programme de l’année est complet et même celui de l’année suivante, et qu’au mieux une réponse favorable pourrait vous être donnée pour après votre mort, car vous n’aurez pas le temps d’attendre d’être de cette si lointaine programmation, et peut-être avec un peu de chance serez vous de ce discours rétrospectif saluant votre mémoire d’écrivain refusé et finalement réhabilité »
Extrait de « Votre manuscrit n’entre pas dans le cadre de nos collections » – Sylvie CAMET