Saint-Martin-des-Champs

Saint-Martin-des-Champs, 01/10/2015

« Faites l’amour… pas les magasins » ! Alors oui, faites l’amour… on croyait connaître la suite… pas la guerre… mais, là, tandis que du Vietnam aux atrocités d’aujourd’hui le trait d’union semblait tout trouvé, c’est une critique de la consommation qui prévaut. Cela sonne presque bon enfant dans le présent contexte. Rythmiquement, cela marche moins bien, trop de syllabes à magasin, mais dans une veine humoristique, ça se révèle efficace : en effet, que peut-on bien faire d’autre à Saint-Martin que les magasins ? La commune et la zone commerciale se superposent, se confondent : là se multiplient les enseignes de fast fashion et de bricolage bon marché, les entrepôts à la laideur préfabriquée, les parkings où l’on remplit le coffre avant de repartir, là on achète puis l’on passe. Au rond-point de la rue Calvez, on en a même oublié de peindre des passages piétons, tant s’est éloignée l’idée qu’il puisse y avoir des jambes à vouloir traverser.

Pas les magasins… la rue parle, les murs parlent, tout un langage s’accroche aux édifices, aux réverbères, aux panonceaux, ultimes lieux d’expression. Soudain posés, quelques mots signifiants vous entraînent, vous quittez votre panier, attentive à cette énigme : qui donc a peint ces lettres, animé·e de quelle révolte, emporté·e par quel désir ?

Faire une déclaration d’amour à celle qui en ce jour s’est sentie regardée dans les yeux ?

 

(Quant à Raymond Devos, d'avoir lu sur les murs Faites l'amour, pas la guerre, lui permet une petite dérive qui se conclut par cette belle figure de style :

  "La plupart des gens préfèrent glisser leur peau sous les draps plutôt que de la risquer sous les drapeaux")