Beaune

Beaune, 31/12/2024

Dans le couloir d’entrée de l’immeuble, le chocolatier a superposé ses cartons, comme si personne n’habitait là, comme si les piles ne rendaient pas le passage exigu, comme s’il était normal de traiter les parties communes comme son entrepôt. Je connaissais son nom d’artisan pour avoir commandé des figurines de Pâques, il y a quelques années ; de fait, s’agissant d’une livraison à distance, je n’avais jamais entrevu la boutique beaunoise. Soudain, cet empilement altère l’image flatteuse que j’entretenais de la marque, il m’en est révélé l’un des dessous, les confiseries travaillées, les gâteaux raffinés entrent en concurrence avec ce couloir qu’un jour peut-être je franchirai comme étant le mien et où je m’agacerai de cette espèce de déchargement malencontreux.

L’histoire m’en évoque une autre, celle de mon voisin parisien, pâtissier mondialement connu, qu’à l’inverse de ses adorateurs en enfilade sur le trottoir, ou jetant des cœurs sur Instagram, j’ai simplement détesté. Tandis qu’il paradait dans les hôtels ou posait pour les magazines, je ne connaissais de lui que l’homme pingre, qui s’était refusé à compenser les dégâts commis chez moi par ses travaux de rénovation, l’homme suffisant, qui dédaignait de traiter autrement que par sa secrétaire, l’homme vulgaire, vautré sur ses copines et le match de football en même temps.  

Faut-il tirer de cela une étrange morale, que la sophistication, la délicatesse requises par l’excellence en matière culinaire s’arrêtent aux termes du métier, et que, passée l’étape de la représentation, vient la chute ? Faut-il, comme corollaire de cette morale, poser qu’une installation à côté d’un chef, c’est non, et non derechef ?