Guingamp, 30/10/2024
C’est étrange comme tout bascule en pénétrant l’envers du décor… Dans le couloir, mêlée à celles qui donnent sur les chambres, indifférenciée, une porte s’ouvre sur un escalier de bois menant aux combles. Et là, l’immense charpente, culminant à sept mètres de haut, la poutraison massive, d’une envergure impressionnante, la toiture devinée par la disposition des ardoises. Un bric-à-brac révélant des strates d’histoire antécédentes, les prédécesseurs abandonnant derrière eux des meubles désossés, des tentures mitées, un lavabo brisé. Et par contraste avec les pièces de réception, élégantes avec leurs moulures, leurs terrasses en surplomb de la ville, leurs peintures douces, cet espace énorme, proie du travail du temps, ne peut évoquer que la débandade des loirs et l’existence acharnée des araignées sur leur fil. Il me semble que cette réalité ne peut être oubliée depuis l’étage inférieur, que j’écouterai, que je le veuille ou non, la cavalcade joyeuse des rongeurs depuis mon lit, craignant sans cesse que la séparation entre eux et moi ne soit suffisamment hermétique. C’est étrange comme la perception renvoie à des mémoires ignorées. Pourquoi tant d’autres se réjouiraient-ils de cette salle de jeu gigantesque où accumuler sans vergogne des trésors inaliénables, tandis que je n’y vois qu’un arrière-plan rébarbatif ? L’envers du décor m’apparaît toujours rédhibitoire. Lorsque je parcours les annonces, il suffit d’une grange, de caves voûtées, d’une remise ou d’un terrain en friche pour qu’à l’instant la probabilité s’efface. Je ne conçois que la géométrie la plus nette, sans sous-entendu, sans même ces approximations de la campagne où l’intérieur du placard moisit légèrement, où le papier se décolle dans les coins. Ainsi, tout le luxe s’est-il effrité, le salon et ses miniatures murales s’est-il effondré sous le poids imaginaire d’un grenier et de sa marche centenaire.