
La Rochelle 16/10/2024
J’ai mangé un croissant fourré de Nutella, une petite ficelle couverte de beurre et de confiture, j’ai bu un cappuccino, un jus d’orange, cela s’appelle une calamité diététique. Mais dans les premières lueurs sur cette terrasse du port, tandis que les passants s’en allaient travailler, mon oisiveté s’accommodait avec jouissance de ces débordements. Le soleil d’octobre mêlait son côté frileux à ce sentiment de bien-être qui vous vient d’un été en automne. La ville m’était nouvelle, j’en découvrais les inévitables tours massives sur une rumeur d’océan. Je ne sais pas demeurer longtemps dans les cafés lorsque je suis seule, le petit-déjeuner avalé, j’ai cédé à la marche, celle par laquelle se tisse la relation entre soi et l’architecture tout autour. Avec La Rochelle, j’ai senti venir le sud, les tuiles avaient rosi, les façades en pierre blanche de Crazannes captaient la lumière, tandis que je venais de la Bretagne granitique aux tons sourds, je me suis sentie saisie par cette coloration délicate. Il n’y a rien d’autre à faire dans une ville que de déambuler sans plan, on gaspille alors les recommandations de l’office de tourisme, mais on y gagne la surprise d’évocations fortuites. La mémoire oblige à croiser là des bribes d’autrefois, d’ailleurs, en d’autres temps, imprégnant le présent de notre histoire. Tandis que je me berçais de ces évocations, j’ai été arrêtée par un camion-grue barrant la voie m’obligeant à lever les yeux. Dans la nacelle, un homme déroulait une longue et lourde guirlande d’ampoules qu’il s’apprêtait à fixer de part et d’autre de la rue : brutalement, prématurément, Noël était venu. J’en fus fâchée. Tout soudain, alors que s’étirait la saison estivale, j’étais projetée sans égard dans l’hiver et sa nuit. Mon imagination en fut aussitôt obscurcie.