Pau 22/10/2024
Sillonner la France en partant de Morlaix contribue chaque fois à la promesse d’un grand nombre de changements : dans le dernier tronçon reliant Dax à Pau, le train a pris un retard suffisant pour qu’en une saison de coucher précoce du soleil j’entre en cette ville dans une première pénombre. L’un des caractères de la province est le retrait quasi instantané du monde dans les rues à la fermeture des boutiques, un peu comme si retentissait un signal ordonnant de rentrer bourgeoisement chez soi y accomplir les rites familiaux quotidiens. Je crains cette désertion brutale, ignorée à Paris, où des horaires moins systématiques font que les gens s’égaillent longuement, laissant la nuit s’installer avec lenteur. Il y eut à visiter cette maison du centre, à la lumière des ampoules, le sentiment un peu irréel d’une installation effective, puisqu’on avait dépassé le calendrier habituel des rendez-vous immobiliers, mais en même temps d’une expulsion voulue par la froideur d’un éclairage de chantier inhospitalier. Je ne doute pas qu’un peu plus tôt j’aurais été accueillie par la lumière réconfortante du jour et que les pièces, les escaliers, les murs me seraient apparus plus doux, plus ronds, plus accommodants. Dans cette soirée commençante résonnaient sur le balcon les querelles et la musique sourde d’une séance de cinéma voisine. La mauvaise insonorisation de la salle répandait dans le ciel ses notes énigmatiques, le film, que l’on pouvait deviner dans un moment colérique, par sa rencontre fortuite avec des ampoules blanchissant les plafonds, me poursuivit alors comme un message qu’il me serait donné de décrypter.