Paris, 11/12/2024
Certainement manquait-il à mon expérience de l’immobilier la transaction avec frissons, pour qu’après des semaines de recherche placide et tranquille, je me trouve assise sur un siège du Tribunal d’Instance, assistant aux ventes par adjudication. Certainement cette formule manquait-elle à mon large inventaire de visites, dont les résultats parfois rocambolesques auraient pu à eux seuls constituer la matière d’un livre. J’avais répondu à l’appel d’un studio proche des Champs-Élysées, au prix de départ évidemment fort alléchant. Lorsque le cas en fut venu, quelques minutes suffirent pour que les chiffres envolés me dissuadent d’insister. Il ne restait qu’à me lever et partir. L’avocat me retint cependant, annonçant un autre bien comparable durant la même session, bien plus intéressant que le précédent selon lui. Il n’y avait à cela qu’un léger inconvénient, je n’avais pas la moindre idée de ce bien, tout comparable fût-il.
L’atmosphère de la salle des ventes doit être semblable à celle d’une salle de jeux : une certaine fébrilité traverse l’assistance, assistance qui perd temporairement sa rationalité au profit d’un rêve de gain. Rétrospectivement, je ne peux dire ce qui m’a entraînée, de la force de persuasion de l’avocat, du défi lancé à moi-même, de la perspective de la bonne affaire. D’ailleurs, entraînée n’est pas véritablement le mot, car il supposerait une docilité, une complicité que je n’avais pas. À plusieurs reprises j’ai dit non, qu’il fallait arrêter, que je n’avais pas même visité cet appartement, à quoi je me suis soudain entendu opposer que je n’avais pas compris, qu’il n’y avait pratiquement plus de concurrence, qu’en aucun cas ce n’était le moment d’abandonner.
Le compte à rebours s’est égrené.
On s’est tourné vers moi : j’avais emporté l’enchère.
J’en aurais pleuré.
En quelques minutes idiotes j’étais devenue propriétaire d’un logement que je n’avais pas choisi, dans un quartier que je n’avais pas choisi et que d’autres me choisissaient. En quelques minutes il en était allé d’un peu plus que d’argent mais d’une réalité qu’on appelle la vie.