Pau

Pau 27/09/2024

Elle reste assise presque toute la journée dans son salon, la chambre que je loue est si proche de son canapé, que je crois qu’elle entend absolument chaque geste que je fais. Je n’ose pas téléphoner considérant que la conversation sera pour elle autant que pour moi. La porte coulissante qui mène au lavabo lui permet de savoir combien de fois je me lave les mains ou les dents. Je n’ai pratiquement que la ressource de la lecture dans le fond de mon lit. Les toilettes donnent elle aussi sur le séjour, et je prie pour que mes sphincters s’emploient à la plus haute discrétion. Ce n’est pas banal cette existence qui s’écoule entourée de visiteurs inconnus, épiant leurs manies ou leurs façons d’être. Je ne sais si la solitude est moins forte au gré de ces passages ou si elle s’accroît du fait que chacun se claquemure dans la crainte d’une trop grande promiscuité. Les locations chez l’habitant s’expliquent souvent par la vastitude des lieux, de l’espace à revendre, mais cette exiguïté fait peine à l’idée que ce revenu s’impose dès lors que la pension est menue.

Mon hôtesse est charmante. Malgré sa discrétion, elle réclame dans le fond que les étrangers que nous sommes fassent souffler dans son logis un air de lointain. Je m’assieds sur le fauteuil et lui explique ma visite. Elle se passionne aussitôt pour ces appartements que je viens voir, elle veut connaître, les rues, les quartiers, les étages, le nom des agences, elle me déconseille un secteur, m’oriente vers les plus agréables, j’oublie par cette conversation non pas l’inconfort, la literie est soignée, la pièce bien aménagée, mais plutôt l’incommodité de la situation. On dirait que la parole, en ce qu’elle nous a rapprochées, a rendu moins incongru d’être perçue, saisie, entendue dans l’effort même de vivre.