
Ils passent de la Suisse à la France, de la France à la Suisse, en quelques pas, simplement, selon qu’ils veuillent prendre leur café à La Navigation ou à L’Helvétia. Il suffit de franchir la Morge, et encore est-ce bien peu, puisque celle-ci passe sous la route. Au poste frontière les visages des habitants sont connus, ils envoient le bonjour, adressent un salut, c’est ce qui leur tient lieu de passeport. De l’appartement que je visite, on aperçoit les douaniers et j’imagine que même avec l’habitude être dans un pays ou dans l’autre provoque une certaine sensation. Dans le sac, deux porte-monnaie, l’un pour l’euro, l’autre pour le franc, en tête le taux de change et l’évaluation rapide des avantages qu’il y a à acheter telle chose d’un côté ou de l’autre. On parcourt les stations du Valais à bord du petit train dont c’est là le terminus, tandis qu’on s’en va vers Évian avec le bus de la ligne 10. À chacun son réseau. Le plus étrange est de se représenter qu’un peu à l’écart les passages montagneux s’accomplissent sans transition, les sentiers de randonnée ne s’interrompent jamais, l’on marche sur un seul et même sol. Le plus étrange est que le Léman mêle les eaux tout autant, sans marquer de différence, d’appartenance, d’identité. Le roc solide comme l’étendue liquide ignorent l’artifice des divisions des hommes.