
Pleumeur Bodou 29/06/2025
Il y a toujours, logé quelque part, un de ces lieux improbables qui ne vivent que de la solidarité, d’un travail, d’un engagement bénévoles, dont l’existence vous renforce en reléguant provisoirement l’horreur du monde à sa seule virtualité. Ces îlots de résistance, parce qu’ils offrent, tandis qu’ailleurs les choses se négocient et se paient, vous donnent l’accolade au lieu de vous laisser partir. Les bâtiments sont sans recherche, les préfabriqués d’une ancienne école, mais par la lumière qui y pénètre, les bricolages astucieux, les canapés récupérés ici ou là, l’invitation est nette, on partage et on y est bien.
Venue pour présenter mes livres, je me serais exprimée n’importe où bien évidemment, mais peut-être ne tient-on pas assez compte de ce que l’environnement fait de notre parole. Je me souviens de salles de classe qui, l’année durant, n’avaient été qu’une punition, il suffisait d’une certaine exiguïté ou d’une disposition malcommode et l’envie même de dispenser mon cours en était affectée. Je suppose qu’il en allait exactement de même du public estudiantin de l’autre côté, mal à l’aise entre des tables bancales, de sombres ouvertures aux rideaux délabrés. L’affaire n’est pas que d’architecture grossière, parfois, c’est l’inverse, un amphithéâtre solennel à l’acoustique parfaite, aux rangées savamment organisées, vous communique une certaine appréhension qui rend votre parler plus cérémonieux, plus emphatique. La vérité est qu’un discours a beau être entièrement rédigé, qu’il paraisse suffire d’en faire la lecture à haute voix, il reçoit mille conditionnements matériels et émotionnels qui lui confèrent une expression unique.
Dans cette école, paradoxalement, on n’est plus à l’école, des distances se sont abolies qui mettent à mal les petites recettes de la pédagogie, sous vos pieds, c’est l’estrade qui vous a été retirée.