Plougasnou

Plougasnou, 07/04/2025

À l’ouest les soirées se prolongent, le ciel clarteux accompagne les dernières promenades plus longtemps qu’à l’extrême opposé. En revanche, le matin tarde à s’éveiller, maintenant surtout, tandis que vient d’être installée l’heure d’été. Pour attraper le car des écoliers, je longe la route pénombreuse, les voitures s’y aventurent furtivement, il semble qu’elles obéissent à cette heure de silence, n’osant forcer par leur vrombissement une lente entrée dans la journée. J’ai l’impression d’être seule tandis que les volets fermés sentent encore le sommeil, je n’aperçois pas même une table de déjeuner, ces lueurs désirables des intérieurs dont on ignore la forme réelle, mais qu’un rais depuis la fenêtre glorifie singulièrement.

Mon petit trottoir épouse le tracé du rivage, l’eau atteint la hauteur du muret, la grande marée lèche la côte, là où le paysage ordinaire mélange le sable et les cailloux. J’avance vers plus de lumière, peu à peu les vapeurs nuageuses se dissipent, dégageant les contours, les bruits s’intensifient, les gens renaissent doucement, je vais atteindre mon abri.

Je fais signe résolument au conducteur avec cette petite crainte des campagnes de manquer le passage rare ou unique et de rester sur la voie. Il n’y a encore personne à bord, je me rencogne derrière la vitre, suivant d’un regard avide les arbres, les oiseaux, les vallonnements qui mènent à la mer. Elle se retirera, se contractera jusqu’à l’extrême, dénudant l’arène. Mon corps se blottit, se tasse et se replie, j’interroge cette incompréhensible pulsation : dans le vertige du petit matin, tenaillée par la lune, tiraillée par le soleil, allant, elle, moi, notre chemin sous les astres.