
Plouigneau 08/03/2025
Cette année encore, j’ai reçu des bouquets de fleurs virtuels, beaucoup de monde préférant croire dans une fête des femmes plutôt que dans une journée internationale de revendication de leurs droits. C’est agaçant. Non, ce n’est pas l’occasion de déclarer son amour inconditionnel, mais plutôt celui de réfléchir sérieusement à ce qui fonde toujours les inégalités et engendre les violences. En ce 8 mars, à la médiathèque, je présente mon livre Femmes assises, et là, pas de doute, je suis en concordance avec les attentes liées à cette mobilisation collective. Mais, comme il ne s’agit plus de distribuer des roses ou de réciter des vers alignant les stéréotypes, il n’y a pas foule. Et c’est un euphémisme.
Je puise à même l’ouvrage, c’est alors que ces lignes me frappent par leur cruelle appropriation :
On essaie de se tenir chaud et partout c’est la guerre. On se blottit au coin du poêle dans l’instant illusoire du répit, mais toujours, tout le temps, canonnades et fanfaronnades… ils s’arrachent nos vies ces grands tigres, c’est leurs noms que j’entends, Japonais, Chinois, Chinois, Japonais, mais qui sont-ils ces Chinois, qui sont-ils ces Japonais pour décider que nous sommes leur proie ? Et derrière eux qui sont-ils ces Américains, ces Anglais, ces Soviétiques à découper le monde ? Il fait un froid glacé, la neige, le vent soufflent de Sibérie, on cherche à se couvrir et l’on se réfugie chez soi mais ce n’est rien à côté de cette tempête, le vent de terreur qui balaie tout, leurs armées et leurs milices envoyées contre nous qui ne sommes rien. Et c’est ce qu’ils se disent que cette péninsule, ce lambeau d’une terre innocente est merveille pour leurs bases, ils en font une espèce de tremplin, et leur rêve n’est jamais que d’annexer, annexer encore…
Ils tiennent un langage de feu. Pas du feu qui console et conforte, du feu qui consume. Un langage de flammes qui vous brûle même quand vous frissonnez. Hiro-Hito, Tchang Kaï-Chek, Staline, Roosevelt, ces noms reviennent et vous entêtent, tous bellicistes, tous érigeant la mort en forme de gouvernement, et nous nous terrons, réduits au seul espoir de passer inaperçus. Ces noms vous hantent, ces noms d’hommes qui jouent au champ de bataille quand le verbe jouer est homicide. Hommes homicides, quelle espèce. On se sent si fort écrasée : les fonctionnements, les régimes, les pouvoirs, les lois, les valeurs, les décisions, les propriétés, les gouvernements, les constitutions, les dictatures, les sentences, la soldatesque, les armements, la hiérarchie, les servitudes, les architectures, les dieux… ce sont eux.
C’est alors que je me prends à rêver de roses et de quatrains jolis, fêterons-nous jamais le 8 mars ? Fêterons-nous jamais le 8 mai ? Feuilletterons-nous jamais une page ou l’autre page d’un calendrier à nous réconcilié ?