
Quimper 08/03/2025
Un tour de clé et la voilà qui entre, venue chercher le courrier, puis, nous trouvant dans la place, sans qu’elle s’y attende. Bien évidemment les intrus lui sont un petit choc, elle ignorait leur présence, or, si elle ne vit plus à demeure, la maison reste la sienne. Quant à nous, un curieux sentiment nous anime, qu’entre cette inconnue et le lieu les liens se sont distendus, qu’une signature sur une promesse nous installe déjà quelque peu. La première est comme dépossédée, les seconds ne possèdent rien, durant deux ou trois mois sévit une espèce d’intermède durant lequel plus personne ne peut véritablement requérir un titre.
J’éprouve un sentiment étrange ; maintes fois j’ai rêvé de ma maison d’autrefois, m’y introduisant frauduleusement, pressentant que les occupants légitimes allaient surgir et que je serais chassée, dénoncée peut-être pour franchissement d’un espace privé sans nulle invitation. Au cœur de la nuit, j’ai tâché de vivre entre des murs devenus lointains, de m’y glisser artificiellement, sans jouir pour autant de ce détournement, l’angoisse m’étreignant trop fort à l’idée de l’irruption sans cesse probable des habitants.
Le songe et la vie diurne viennent de se croiser. Les rôles cependant se sont presque inversés, c’est la venderesse qui semble devoir s’excuser, elle referme la porte après quelques mots, comme si elle craignait de nous avoir dérangés, son image s’efface et nos mesures reprennent, nos calculs, nos spéculations. Elle vient en somme de voir s’effondrer son passé devant notre futur.
Je pourrai désormais rêver les pieds fichés au sol de la baraque, baraque elle-même fichée dans la terre, la terre fichée dans la galaxie, la galaxie fichée dans l’univers, éprouvant enfin que tout frissonne, s’entremêle et se meut.