
Quimper 24/05/2025
Arriver dans ce quelque part dont on a les clés.
J’aime bien l’ambiguïté de cette formulation. Cette fois, et pour la première fois, je suis arrivée à Quimper avec cet étrange sentiment d’avoir dans mon sac le moyen d’accès à un appartement devenu mien. C’est-à-dire que cet appartement que je n’habite pas encore m’attend sagement, il est vide, il n’est pas spécialement accueillant puisqu’il nécessite des réparations, mais il peut modestement me conférer son impression de sécurité puisqu’il est composé de murs, protection sinon solide contre la pire adversité, du moins protection face aux aléas les plus banals. Si j’en ai assez de déambuler dans les rues, je peux franchir cette porte derrière laquelle cessent les demandes et les attentes d’autrui. Je m’assieds par terre et je me repose.
Mais, arriver quelque part dont on a les clés peut se comprendre autrement. Il suffit de donner au mot clé non sa signification matérielle mais métaphorique. Ce parage on en connaît les principes de fonctionnement. Bizarrement, l’éclairage change alors, l’on se demande quelle paresse, quelle docilité ont pu nous conduire à précisément acquérir un bien là où tout est déjà clair et transparent. J’ai été entraînée par des agents immobiliers dans d’autres pays à découvrir des séjours, des chambres conçus, construits selon des critères différents, et j’ai mesuré ce que signifierait, en cas de nécessité, d’expliquer une fuite d’eau à un plombier dans une langue mal connue. J’ai appelé cette étrangeté parce que je la savais féconde, j’y puisais de quoi me raviver, de quoi oublier les chemins balayés pour les orties.
Et puis, cette décision, je ne l’ai jamais prise qu’en imagination, ainsi me suis-je frileusement rabattue sur la maison d’une ville d’un pays dont je possède les fonctionnements et les principes. En dépit de ce qu’il y a de nouveau pour moi dans cette géographie, demain, j’irai au marché et ma provision de légumes sera identique à celle de ma géographie précédente, demain, je saurai décrire au pharmacien mes maux de ventre, demain, je pourrai sans difficulté accomplir les démarches administratives et remplir soigneusement les formulaires.
Alors, certes il y a ces clés dans mon sac qui ouvrent la porte d’un espace solide et confortant, mais il n’y a plus les clés à inventer, celles qui résolvent les mystères de ces lieux qui, dans leur infinité culturelle, vous obligent à une extravagante version de vous-même.